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Les herbes s'élevaient relativement peu au-dessus du sol et il les arrachait pour laisser pousser les cultures en début de croissance.

L'agriculture était pour Charles une torture, car, il n'avait jamais aimé souffrir, se courber, solliciter ses muscles. C'était vraiment pénible pour lui. Le comble était d’avoir une petite sœur, lui qui avait tant souhaité être le seul enfant de sa mère. Ce n’était que sa demi-sœur, car ils n’avaient pas le même père. Certes, ils avaient une mère en commun ; mais ça ne changeait en rien sa façon de la voir. Il n'aimait pas du tout son beau-père. Il n'aimait personne d’autre que, exceptée . Il lui arrivait de lui en vouloir, lorsqu’elle le battait ou le réprimandait.

Ce fameux jour marqua le début de tout.

Elles travaillaient depuis six heures de temps dans les champs et lui venait à peine de commencer le désherbage. La maman était couchée sur un tronc d'arbre et observait avec dégoût la paresse de son fils. La cadette elle, était assise derrière elle, un petit livre dans les mains.

___Aïe !

___Qu'y a-t-il encore ? Demanda la maman à son fils.

___Les épines. Mère, je suis fatigué de racler l'herbe. Quelle heure est-il ? Je veux rentrer.

___Ne m’énerve pas, Charles. Cela fait à peine 30 minutes que tu as commencé alors que ta petite sœur travaille depuis le matin. Elle a aussi droit au repos.

___Werr mère je...

___Pas de mais !

La petite sœur, Gabrielle, rit aux éclats, qui énerva le garçon.

___On ne t'a pas sonnée, tête de moineau !

___Laisse ma fille tranquille, têtu ! Nous te laissons ici, tu as intérêt à finir ton travail et n'oublie pas de rentrer avec mon matériel !

La maman se leva et prit le chemin du retour, avec Gabrielle.

Resté seul, Charles pleura. Il s'énerva et envoya balader sa houe.

___ Je vous déteste ! Hurla- t-il.

Il s'assit sous un arbre et décida de ne plus jamais rentrer chez eux. La nuit finit par le trouver au champ. Lorsqu'à un moment il eut faim et décida de grimper à un arbre pour en cueillir les fruits. Sur l'arbre, il tendait la main pour attraper un fruit lorsqu'il entendit un étrange bruit.

_ Charles ! Viens à moi…fit une voix rauque et sifflante.

La peur cloua l'adolescent sur l'arbre et il se mouilla de ses urines. Il aperçut en dessous un grand animal, difforme, à deux têtes et imposant. Il voulut crier mais à sa grande surprise, sa voix avait disparu. Le monstre s’éleva dans les airs pour le rejoindre sur l'arbre, et soudain… Sur l'arbre, Charles devint calme, silencieux et immobile. Le chant des grillons s'arrêta. Les étincelles des lucioles et le halo de la lune s'éteignirent pour laisser place à une fumée épaisse et noire. Des crânes flottaient dans ce sinistre halo.

Les bois continuaient à garder silence. La bête se mit alors à ricaner et de son perchoir, Charles voyait plusieurs bras squelettiques sortir d'elle. Sur son front, un œil se mit à briller et autour d'elle, apparurent des pierres tombales. Celles-ci se mirent à flotter autour de Charles et il sentit son corps se paralyser. En dessous de l'arbre, apparut une étendue de sang et une terrifiante mélodie se mit à retentir, accompagnée de lugubres paroles :

« Te voici ! Dans la gueule du loup !

Te voici ! Notre élu !

Le voici ! Satan qui t'appelle !

Viens à nous ! Accepte-nous !

Tu règneras sur cette terre pourrie.

Tu consommeras chair et sang !

Tu seras notre diable rouge et lui ton diable noir !

Et enfin vous deux détruirez notre ennemi ! Il s'est sacrifié pour gâcher notre plan ; mais Lucifer se sacrifie pour que tu sois l'élu ! Et beaucoup d’humains périront ! »

Des tambours et cloches apparurent pour accompagner la voix. Ensuite, une énorme carte de tarot apparut et se dressa devant Charles. L'adolescent était dépassé par les événements et sa respiration se fit difficile. Ses entrailles se nouèrent et ses dents s’entrechoquèrent. Il finit par tomber de l’arbre. Mais à sa grande surprise, la carte de tarot l’empêcha de toucher le sol. Derrière lui, arbre rétrécit jusqu'à ne devenir une petite plante de jardin. De la vraie sorcellerie ! Il voulait s'évanouir mais n’y arrivait pas. Il sentit une main froide le toucher. C'était le monstre.

____Aaaaaaaaaaaaaah !

Il hurla aussi fort qu’il le put et mentionna ce nom pour la toute première fois:

___ Jésus !

La carte de tarot disparut, le monstre éclata et s'évapora, la mer de sang ne fut plus et l'arbre qui redevint normal. Il pleurait, tremblait et désira voir sa maman. Son beau-père et sa maman arrivèrent, soucieux de savoir pourquoi Charles était resté au champ jusqu'à aussi tard dans la nuit. Le père prit la parole...

___Qu'est-ce qui t'arrive ? Pourquoi tu es si tremblant ?

Charles embrassa sa mère et voulut parler. Mais il manqua de force. Ils finirent par tous partir du champ dans la nuit et après une longue marche, ils arrivèrent à la maison.

Cette maison était construite en briques de terre battue, avec une toiture en raphia natté et des lattes de bois qui soutenaient la charpente. La vieille porte soutenue par une sorte de chambranle en bois non travaillé se dressa enfin devant eux. Le père frappa et Gabrielle vint leur ouvrir. Ils entrèrent et constatèrent que la maison était plongée dans l'obscurité. La mère alla chercher une bougie pour les éclairer. Elle aspergea ensuite celle-ci de quelques pincées de sel pour ralentir la combustion.

Un rideau troué et vieux, un sol était cabossé et non cimenté, un salon était étroit et encombré par toute sorte d'outils

cuisine, construction, métallique, scolaire

et des vêtements, voilà ce qu'était l'intérieur de la maison. Certains accessoires étaient accrochés aux murs.

Charles s'assit sur un tabouret au coin du mur et le père à côté de Gabrielle. Il lui caressait la tête... La maman s'assit à côté de Charles. Le père, observant toujours le garçon, ouvrit la bouche pour parler.

___Bien. Charles, maintenant que nous sommes à la maison, j'attends que tu nous expliques ce qui ne va pas avec toi. C'est quelle attitude ça, hein ? Ta maman et ta sœur m'ont dit que tu refusais de travailler au champ aujourd'hui et pour couronner le tout, tu décides d'y rester jusqu'à la tombée de la nuit? Tu veux qu'on m'accuse de sacrifice dans ce village?

Charles resta assis les bras croisés, regardant son beau-père parler. Ça ne lui faisait ni chaud ni froid.

___ Pourquoi es-tu si rebelle ? Reprit le père. Est-ce parce que je ne suis pas ton père que tu veux me nuire et nuire à mon épouse? Pourquoi tu as fait ça ? Qu'est-ce qui t'as pris ? Réponds-moi ! Ou je te bastonne !

Le garçon voulut répondre, mais aucun son ne sortit de sa bouche.

___ Monsieur, ça ne vous regarde en rien, ce qui m'arrive, s'entendit-il dire, abasourdi.

___Pardon ? ! Fit le père, étonné.

Toute la famille était sidérée par la réponse du garçon, qui ne comprenait lui-même rien.

_ Occupe-toi de tes oignons ! Siffla sa bouche d'une voix rauque. Cette fois ci, le beau-père indigné se mit en colère. Il sortit un énorme fouet pour punir Charles. Gabrielle pleurait car, elle n'aimait pas voir son père en colère ou son grand frère battu. La maman essaya de retenir son mari mais reçut un violent coup sur l'épaule.

Charles pleurait amèrement mais sa voix ne lui obéissait toujours pas. Le père énervé, finit par le jeter hors de la maison.

___ Imbécile ! Pars de ma maison et cherche toi un nouveau père. Je ne supporte pas les caprices ! Et si ta mère t'aime qu'elle te suive ! Je resterai avec ma fille ! C'est quel mépris ça ? Tu es sorcier ! Disparaît de ma concession, vite !

Il jeta ses affaires à sa suite.

Tout triste, les larmes aux yeux, Charles ne comprenait pas ce qui lui arrivait, et pourquoi ça lui arrivait. Il resta devant la porte pour essayer de s'expliquer, mais le père lui claqua la porte au nez. Des larmes d'amertume coulèrent de ses yeux et il ressentit une terrible haine l'envahir. Il eut brusquement envie de voir son beau-père mourir. De son corps surgit une aura noire qui, sans qu'il ne s'en rende compte, entra dans la maison par les interstices près de la porte. Le père se trouvait dans le salon, seul. La maman était allée pleurer dans la chambre son fils avec Gabrielle. L'aura s'immobilisa devant l'homme, qui surpris, ouvrit la bouche comme s'il allait crier. La chose ne lui en laissa pas le temps. Elle se matérialisa complètement devant lui, devenant un démon tel que celui qu'avait vu Charles, et le saisit de ses crocs au cou.

L'homme hurla et se débattit, mais il était pris au piège. Les canines de l'être maléfique étaient bien rentrées, et il lui brisa le cou. La créature abominable se pourlécha en regardant le père mort ; puis s'en alla en emportant avec lui son âme.

Après un long moment, Gabrielle remarqua que quelque chose n'allait pas. Le salon était étrangement silencieux et son père mettait trop de temps seul dans le salon. Elle se leva discrètement du lit, prenant garde à ne pas réveiller sa maman profondément endormie. Elle prit la couvrit d'un drap, et alluma une bougie. Elle appréhendait l'obscurité et avait un mauvais pressentiment en se dirigeant vers le salon . Comme cette fois, quand elle avait cinq ans et qu'elle avait perdu Rex, son petit chiot, qui avait été mordu par un serpent. Cette mort l'avait traumatisée.

« Papa doit être endormi », se disait-elle.

___Papa ?

Elle posa la bougie sur la petite table en bois et lui tapota le genou.

___Allez, papounet, réveille-toi ! J'espère d'ailleurs que tu n'es plus fâché après Charles. Tu sais que la colère résout pas tout, hein ?

Elle avait souvent usé de cette stratégie pour calmer son père et elle savait que Charles était sûrement couché dans la cour. Son grand frère avait beau être boudeur, il n'aurait jamais quitté la maison. Elle parlait encore à son père lorsqu'elle remarqua qu'il ne bougeait toujours pas. Se servant de la bougie pour lui éclairer le visage, elle repéra soudain le sang noir qui lui sortait du nez et de la bouche.

____AAAAAAAAHHH !!! MAMAAAAAAAN !!!

La mère se réveilla en sursaut et se précipita dans le salon. La petite était en larmes sur le corps de son père. Elle se laissa tomber à genoux devant le macabre spectacle.

___Yééééééééh ! Gaston, tu fais ça à qui ? Yahwé, pourquoi moi ? Implora t-elle.

Elle sortit de la maison et se mit à crier pour alerter les autres habitants du village.

___Gaston ooooh ! Venez voir ! Gaston est mort ooooh !

Les voisins accoururent. Découvrant le corps, ils accompagnèrent la nouvelle veuve dans ses lamentations. Ils apprirent d'ailleurs bientôt de sa bouche ce qui était arrivé à son fils. Tous en furent indignés et se décidèrent que Charles devait être retrouvé. Après une nuit de veille, ils se lancèrent dans la recherche de l'adolescent dans tout le village. A seize heures, ils finirent par le trouver dans une voiture abandonnée. Une fois qu'il fut douché, changé et nourri, sa mère lui annonça la nouvelle.

___ Charles, ton papa est mort hier.

___J'en ai rien à foutre, il n'était pas mon père.

Charles éprouvait de la haine pour toute sa famille et même envers le corps de Gaston couché dans un cercueil.

Le chef du village comprit qu'il y avait un problème, mais décida d'en parler avec sa maman en privé. Les notables voyant le cadavre de Gaston diagnostiquèrent une mort par empoisonnement. Mais qui en était responsable ? La nouvelle causa une vague de murmures. Marie ne pouvait pas avoir tué son mari, c'était une bonne chrétienne et sa petite fille également. Et Charles ? Il n'était pas sur les lieux. Il fut finalement convenu que la cause de cette mort était la colère des dieux et la même journée ils enterrèrent le corps du défunt hors du village sur une montagne.

C'était un moment très émouvant. Gabrielle ne cessait de pleurer. Charles aussi, malgré toute sa haine. Marie, elle, se disait qu'il s'agissait sûrement d'une épreuve.

À suivre...

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