"Joyeux anniversaire. Joyeux anniversaire… idiote !" ai-je entendu Hugo rire, près de mon lit.

J'ai pris une profonde inspiration et j'ai éclaté en sanglots, j'ai fait de mon mieux pour arrêter de trembler. Avant que je m'en sois rendu compte, je me suis presque retrouvée en train de flotter dans une grande mare d'eau glacée. J'ai été trempée de la tête aux pieds. Les vêtements sur moi, le matelas sur lequel je dormais, tout a été trempé. J'ai essayé de tirer sur ma couverture, qui par chance a été épargnée, pour me réchauffer un peu, mais Alpha Arthur m'a jeté un deuxième seau d'eau en arrosant tout.

"Lève-toi, petite garce ! C'est l'heure de s'amuser !" Il m'a donné une tape à la nuque, me faisant tomber du lit.

J'ai senti des larmes ruisseler le long de mes joues. Ahhh ! Je les déteste ! Ces deux-là ! Hugo était mon frère ou ce qu'il a toujours désiré être, parce qu'un vrai frère ne se comportait pas comme lui. Alpha Arthur était mon âme-sœur, qui m'a rejetée et humiliée sans relâche, au cours de cette dernière année.

En ce jour de mon 19ᵉ anniversaire, j'ai espéré passer une journée paisible. L'année dernière, à cette époque, Arthur... Alpha Arthur m'a rejetée et m'a administré la raclée de ma vie devant ses amis. Mon frère est resté impassible et a regardé toute la scène, visiblement amusé par ce qui s'est passé.

Il y a eu toutes sortes d'histoires sur les loups-garous. Certains vrais, d'autres, bien au-delà de la réalité. Nous avons été destinés à aimer et à être heureux toute notre vie avec notre prédestinée âme-sœur, c'était la vérité. Mais, ce que plusieurs ont ignoré, a été que parfois, les choses ont pu mal, tourner. C'était exactement mon vécu depuis un an. Non pas que ma vie ait été rose avant, mais depuis que j'ai eu 18 ans, tout est devenu exponentiellement compliqué.

Mes parents ont été tués lors d'une attaque de loups solitaires, en me défendant, pendant que mon frère s'est battu à leurs côtés pour protéger la meute. Je n'ai eu que 13 ans à l'époque. Hugo en a eu 16. Je n'ai été qu'un enfant. Personne n'a compris cela. Nous ne sommes pas nés d'une famille ordinaire, maman et papa ont été bêtas de la meute Lune d'Or. Mais cela n'a pas suffi à faire face au flot de loups solitaires qui nous a attaqués ce jour-là. Tout le monde les a aimés et tout le monde m'a détestée, parce qu'ils n'ont pas pu se concentrer sur l'attaque à cause de moi. J'ai tout perdu ce jour-là. J'ai perdu mes parents, mon frère, mon statut social, mes amis, ma maison... absolument tout. Bien que j'aie du sang bêta, j'ai porté le statut de loup solitaire au milieu de la meute. Personne ne m'a considérée comme faisant partie de la meute, ils ne m'ont tolérée que pour faire le travail nécessaire à l'entretien de la meute. Nettoyer, cuisiner, repasser, faire la jardinière... J'ai fait absolument tout ce qu'on m'a demandé pour ne pas être définitivement expulsée de cet endroit.

J'ai souvent ignoré ce qui était mieux. J'ai espéré qu'à 18 ans, ma vie changerait. Mais tout s'est aggravé. À 18 ans, chaque loup-garou a connu son loup. Mais le mien n'est pas apparu. L'année dernière, j'ai tout simplement été sans louve. Tout le monde s'est moqué de moi, certains ont affirmé que c'était la punition du malheur que j'ai infligé à ma famille. Arthur était le futur Alpha de notre meute, il était aussi mon âme-sœur. Il m'a rejetée, dès qu'il m'a informée qu'il n'accepterait jamais qu'un être aussi insignifiant et inutile que moi, occupe, à ses côtés, la position de luna de la meute. Il m'a battue devant ses amis. L'année dernière, il m'a forcée tous les jours à le voir aligner femme après femme dans sa chambre. Je n'ai pas eu de louve, je n'ai donc pas pu le rejeter, car je n'ai pas du tout ressenti le lien entre nous, comme lui.

J'ai plutôt ressenti la douleur du rejet. J'ai ressenti une rage particulière à son égard, car j'ai su qu'il s'est opposé au bonheur qui m'a été prédestinée par la Déesse de la Lune. Sa mère m'a détestée, parce que ma mère a été sa meilleure amie, Alpha Bernard m'a ignorée. Je n'ai pas su s'il m'a détestée aussi, il a été l'un des rares de la meute qui ne m'a pas touchée et ne m'a pas directement offensée. Mais je l'ai quand même détesté, parce qu'il était en son pouvoir d'arrêter toute l'injustice faite à mon endroit, et pourtant il n'a pas levé le petit pouce.

"Tête stupide ! Lève-toi !" a dit Arthur, alors qu'il m'a donné un coup de pied. "Nous célébrons !" II m'a traînée par les cheveux, hors de la petite pièce, où j'ai eu l'habitude de dormir, au sous-sol de la maison de mes parents.

Hugo m'a regardée, amusé, les mains croisées sur sa poitrine.

"Nous avons une surprise pour toi", a-t-il dit.

J'ai vite fait de connaitre la signification du mot "surprise" dans le dictionnaire de Hugo. Cela a voulu simplement dire que je suis foutue. Il m'a traînée par les cheveux dans le salon, où Jacque et Jake Sullivan, des jumeaux gamma Sullivan, l'attendaient. Ensemble, ils ont formé les quatre mousquetaires de la meute, comme ils aimaient si tant s'appeler.

"Déshabille-toi !" ai-je entendu Alpha Arthur dire.

"Non, je t'en supplie..." ai-je dit d'une voix étouffée.

"Je t'ai dit de te déshabiller !" a-t-il dit, en me donnant une claque. "je n'ai pas toute la journée !"

Je n'ai pas bougé d'un iota. Je l'ai plutôt regardé dans les yeux, mais j'ai su que je n'ai pu rien changer à ce qu'il a eu en tête. J'ai donc jeté un coup d'œil à mon frère.

"Hugo... s'il te plait." Il n'a rien dit, mais m'a dévisagée d'un air sérieux. Je n'ai pas su ce qu'il a eu en tête en ce moment.

"Attrapez-la et déshabillez-la", a ordonné Arthur aux jumeaux, qui m'ont attrapée immédiatement et ont déchiré mes vêtements. Ils m'ont ensuite jetée au sol et m'y ont maintenue, alors que je me suis débattue.

"Laissez-moi tranquille ! Laissez-moi tranquille ! Je ne vous ai rien fait ! Laissez-moi tranquille !"

"Alors ?" a demandé Jacque. "Qui est le premier ?"

J'ai regardé Hugo dans les yeux. Il n'a pas pu faire ça... peu importe à quel point il m'a détestée, c'était mon frère. Il n'a pas pu me détester à ce point. Arthur a ouvert la fermeture de son pantalon, alors que les jumeaux m'ont maintenue très fermement au sol. Je l'ai senti s'asseoir entre mes jambes. S'ils parvenaient à faire ce qu'ils ont eu l'intention de faire, ma vie est finie. La seule chose que j'ai eue pour moi et dont j'ai toujours été fière, a été de me garder jusqu'à présent, pour mon âme-sœur. J'ai cru en une âme-sœur de seconde chance. J'ai cru au fait que tout ce qui est arrivé jusque-là, a suivi un parfait plan et qu'au-delà du malheur, il y avait le bonheur.

J'ai regardé Hugo à nouveau dans les yeux.

"Je te déteste !" lui ai-je crié, avec colère. "Je ne t'appellerai plus mon frère à partir d'aujourd'hui !" J'ai tourné la tête et fermé les yeux, en sentant Arthur se glisser en moi.

Douleur, colère, haine profonde, ont été mon ressenti. Après deux allers-retours, en une fraction de seconde, j'ai senti mon corps trembler. C'était quelque chose d'involontaire. La colère que j'ai ressentie, a semblé sortir de chaque pore de ma peau.

Arthur s'est arrêté et m'a scrutée avec panique.

"Putain, qu'est-ce qui se passe ?" l'ai-je entendu crier de panique. "Hugo, qu'est-ce qui ne va pas avec ta sœur ?"

Avec une force qui m'est totalement inconnue, j'ai frappé Alpha Arthur avec mes pieds, le faisant voler à près de deux mètres de moi, heurtant la table à manger. Je l'ai vu, essayer de se lever, mais il a gémi de douleur. Avec la force dont j'ai fait preuve pour lui donner cette raclée, je lui ai probablement cassé les côtes. Les jumeaux étaient morts de panique, mais je me suis levée immédiatement et les ai frappés si fort, que Jacque s'est évanoui et Jake a eu le nez cassé. Hugo s'est précipité vers moi pour m'arrêter, mais dès que nos regards se sont croisés, il s'est arrêté net.

Je me suis penchée et j'ai essayé de me recouvrir avec mes vêtements déchirés.

"Il ne reste plus rien"... lui ai-je dit à voix basse, alors qu'il s'est levé et m'a regardée d'un air choqué.

"Il ne reste plus rien ici", lui ai-je dit à nouveau, en lui montrant mon cœur. "C'est vide… plus rien pour toi… rien pour moi… Aujourd'hui, tu as ôté le dernier morceau de moi. J'espère que tu es heureux, Hugo. J'espère que tu as eu la revanche que tu voulais."

Je l'ai vu déglutir sèchement. "Aide-moi, Hugo", ai-je entendu Alpha Arthur dire.

"Tu ferais mieux de l'aider, je ne pense pas que les médecins veuillent le trouver le cul nu." Je suis parvenue à me couvrir partiellement de vêtements déchirés et à regagner ma chambre.

J'ai entendu du bruit dans le salon. Ça ne m'a même pas préoccupée qu'ils m'aient poursuivie. Je n'ai plus eu d'intérêt pour rien du tout. Arthur et Bernard ont pris tout ce qui m'est resté dans ce monde.

"Ella..."

J'ai ouï une faible voix féminine. J'ai jeté un coup d'œil derrière moi avec effroi, mais je n'ai vu personne.

"Qui es-tu ? ... Où es-tu ?" ai-je demandé, affolée.

"Je suis Athéna... ta louve", a répondu la voix.

"Ma louve ? Je n'ai pas de louve… " ai-je dit avec abnégation. J'ai pensé être devenue folle. J'ai pensé avoir cogné la tête très fort, plus tôt, et je ne m'en suis rendu compte que maintenant.

"Tu as dorénavant une louve, Ella. Je suis avec toi et je ne t'abandonnerai pas. Je ne te laisserai pas seule. Ce n'est pas encore mon heure de me montrer, mais je serai une amie à qui tu peux parler."

"Athéna... Arthur..." ai-je dit, en fondant en larmes.

"Je sais, Ella. Il est temps pour toi de te calmer, avec cette vie douloureuse. L'heure est venue pour moi, d'être juste à tes côtés."

"Athéna… Je veux quitter cet endroit, il n'y a rien pour moi ici. J'ai peur que si je reste, je ne puisse que les laisser me tuer."

"Veux-tu quitter la meute de la Lune d'Or ?" a-t-elle demandé sous le choc.

"Je veux m'éloigner le plus loin possible de cet endroit. Je veux être seule, je ne veux plus voir personne autour de moi."

Athéna n'a rien dit. J'aurais voulu le contraire, mais pendant des minutes, elle n'a rien dit. Je me suis tenue devant le miroir, je me suis longuement mirée. Mes yeux bleus ont brillé. Ç'a dû être à cause de l'apparence d'Athéna. J'ai eu les lèvres déchirées et une grave égratignure sur la tempe droite. Mes cheveux bruns ont été imbibés de sang. Un peu de mon sang et aussi celui des jumeaux. Mon corps mou a été recouvert de bleus. C'était le cadeau de la meute pour mon anniversaire.

J'ai emballé mes quelques vêtements dans un sac à dos.

"Ella..." J'ai entendu Athéna m'appeler au bout d'un moment. "Allons-y !"