Des nuages noirs planaient sur le jardin Blanchard.

La flamme d'une bougie dans le bureau vacillait d'une manière quasiment sinistre.

Aidan Nelson fixa sur l'image projetée sur le mur. Il s'agissait de la photo d'un homme et d'une femme en plein ébats amoureux. Leurs corps étaient proches et entrelacés l'un dans l'autre.

Bien que le visage de l'homme fut imprécis, celui de la femme fut aussi clair que le jour. Aidan reconnait ce visage - il savait avec exactitude qui elle était, il le savait trop bien.

Il s'agissait de sa femme, Eliana Harvey. C'était la femme la plus belle et la plus brillante de toute la ville de Mallstrick.

Le jour où il fut sur le point de perdre la vie dans un incendie, cette femme, était, à son horreur et à sa consternation, en train de lui donner des coups de poignard dans le dos en le trompant avec un autre homme... Et pourtant, elle avait toujours assuré qu'en dehors de lui, il n'existait personne d'autre pour elle dans ce monde.

Juste à cet instant, on toqua à la porte - la personne à l'extérieur informa d'une voix posée où transperçait le respect : "Jeune Maître Aidan, vous avez un appel téléphonique. La personne au téléphone a affirmé que Mademoiselle Harvey est actuellement en train de vivre un accouchement prématuré."

Quelque chose éclaira le regard de l'homme. Puis, il se leva de son siège et quitta la pièce d'un pas rapide.

...

Pendant ce temps, dans une chambre d'hôpital, une femme émettait des cris dans la souffrance de l'accouchement.

"A-appelle Aidan. J'ai envie de le voir - fais-le tout de suite !"

Hélas, au lieu d'obtempérer, Laura Collins, la femme habillée d'une longue robe blanche qui se tenait près de son lit, se moqua d'elle et la railla.

"Eliana, ma chère cousine - comment peux-tu encore avoir l'audace de demander une telle chose ? Ne sais-tu pas à quel point Aidan éprouve de la haine et du ressentiment envers toi ? C'est à cause de toi, Tante est devenue infirme, ma sœur est morte, et moi, je suis devenue stérile. Et je te dis, maintenant la personne que Aidan aime, c'est moi - Tu sais, même la nuit dernière, nous avons ...

Avant qu'elle n'ait pu achever sa phrase, Eliana, qui était étendue sur le lit d'hôpital, rassembla toutes ses forces pour se redresser et saisir Laura par le col.

Même si Eliana était aussi pâle comme un linge, mais rien ne pouvait cacher sa beauté.

"Tu..tu n'as pas honte !"

Laura fit claquer ses dents en répliquant : "Je n'ai pas honte ? Qui n'a pas honte ? Au moins, je ne fais pas des choses aussi scandaleuses comme tu as fait. Tu as trompé Aidan au dos."

Eliana grinça des dents et émit tout bas un grognement : "Je ne l'ai jamais trompé."

"Oui je sais, tu ne l'as jamais trompé", répliqua Laura avec sarcasme. Par la suite, elle se rapprocha pour chuchoter à l'oreille d'Eliana : "Je veux dire, je te crois - mais malheureusement pour toi, Aidan ne te croit pas. Je suis la seule personne en qui il a confiance maintenant."

Les mots, durs et cruels, prononcés par Laura blessèrent le cœur d'Eliana.

C'est la vérité... elle a raison... Aidan ne me croit pas, plus à présent. Il n'y a... il n'y a aucune chance qu'il me croit encore !

Enragée et provoquée par les propos blessants de Laura, Eliana réunit toutes ses forces en dépit de son état de faiblesse et essaya de griffer et de pousser Laura au sol.

Bien qu'elle ne soit pas parvenue à la pousser, Laura se laissa tomber sur le sol de manière délibérée lorsqu'elle entendit le bruit de pas se rapprochant de la porte.

La porte de la chambre d'hôpital s'ouvrit bien vite pour laisser apparaître un personnage grand et large, qui s'élança vers Laura pour l'aider à se relever - à cet instant-là, son regard vif se déplaça vers le haut pour observer Eliana.

Aussi glacial et sans émotion qu'il l'était habituellement, Aidan ne pouvait se retenir de sentir son cœur se serrer en constatant à quel point Eliana était fragile - son visage était aussi blanc qu'une feuille, et ses cheveux plaqués sur son front et aux côtés de ses tempes, complètement emmêlés et humides.

Juste à ce moment-là, Laura se précipita vers Aidan et l'implora d'une voix pitoyable : "Aidan, je t'en prie, ne blâme pas Eliana, elle ne cherchait pas à me pousser ! Elle l'a sans doute fait parce qu'elle souffre énormément en ce moment - et je vais bien, je ne suis pas blessée. Tant que Eliana pourra accoucher en sécurité, je peux faire tout ce qu'elle veux."

Le beau et charmant visage d'Aidan se fronça à ce moment-là et il se tourna de façon instantanée vers Eliana avec une expression de fureur - il rugit : "C'en est trop de ta part ! Tu vas bientôt accoucher, comment tu peux encore faire une telle chose à Laura ? Tu es vraiment vicieuse, hein ?"

Le cœur d'Eliana s'effondra en entendant les paroles, dures et accusatrices d'Aidan - elle ne s'était jamais sentie autant impuissante et remplie d'angoisse.

C'était l'homme qu'elle s'était faite la promesse d'épouser depuis qu'elle était enfant.

"Aidan, je veux divorcer de toi. L'enfant..."

Avant qu'elle ait pu achever sa phrase, Aidan se rua vers l'avant et saisit Eliana par le cou dès qu'il entendit le mot "divorce" - il émit un grognement : "Je ne peux pas croire que tu oses de dire ça ! Qu'est-ce qui te fait croire que je désire continuer à être avec toi ? Je te l'annonce tout de suite - il serait préférable que tu sortes de ma vie après avoir donné naissance à l'enfant et l'avoir confié à Laura. Je ne veux plus jamais te voir."

Il retira ensuite sa main du cou d'Eliana et se retourna pour sortir en trombe de la chambre.

Laura jeta aussi un regard sombre à Eliana avant de suivre Aidan.

Vicieuse

Elle l'aimait pour toute sa vie, mais en revanche, la seule chose qu'elle avait obtenue était ce mot "vicieuse".

Jamais Eliana n'avait été préparée à ce que la douleur soit si atroce et agonisante - elle avait la sensation de suffoquer et de se noyer dans les profondeurs de l'enfer, entièrement impuissante et incapable de se libérer de ses impitoyables et formidables prouesses.

Hélas ! Eliana se mordit la lèvre et se maîtrisa - elle se dit qu'elle demeurerait forte, qu'elle ne laisserait pas échapper un seul cri, quelle que soit l'intensité de la douleur, même si elle avait le sentiment que ses entrailles se déchiraient.             

Je dois me cramponner, je vais m'en sortir. Je ne peux pas leur permettre de voir à quel point je suis faible et pitoyable et leur donner une opportunité de rire de moi.

Enfin, l'enfant naquit - Eliana ne parvint pas à tenir plus longtemps et perdit connaissance en raison de l'épuisement et de la lassitude.

Il faisait déjà nuit lorsqu'elle se réveillait.

Dans son état hébété et groggy, Eliana entendit des chuchotements parvenant de l'extérieur de l'hôpital.

"J'ai entendu dire qu'il avait amené quatre chiens."

"Je n'arrive pas à croire qu'il ait donné un petit bébé à manger aux chiens... J'en frissonne rien que d'y songer."

Eliana sentit brusquement que quelque chose n'allait pas - en dépit de sa faiblesse, Eliana demanda d'une voix rauque : "De quoi parlez-vous ?"

L'une des infirmières sursauta un peu, apeurée au son de la voix d'Eliana.

 Eliana demanda d'un ton exigeant : "De quel enfant parlez-vous ? De qui est l'enfant que l'on a donné à manger aux chiens ? Nous sommes dans un hôpital psychiatrique, d'où peut bien venir cet enfant ?"

Le jour où Eliana attendait un enfant, au lieu de l'envoyer dans un hôpital ordinaire, Aidan l'avait plutôt fermée dans un hôpital psychiatrique.

Sachant que quelque chose ne tournait pas rond, Eliana sentit un frisson lui parcourir l'échine tandis que la chair de poule se répandait de manière progressive sur sa peau.       

J'ai un très, très mauvais pressentiment... non, je vous en prie, ne me dites rien... non, ce n'est pas possible...

Malgré son état d'épuisement, Eliana se débarrassa des couvertures et redressa son lourd corps étendu dans le lit d'hôpital - elle se précipita hors de la chambre aussi rapidement que possible en s'agrippant au mur pour obtenir un soutien.

Quand elle atteignit la portail arrière de l'hôpital, Eliana aperçut Laura et plusieurs domestiques se rassembler dans la cour.

Elle pouvait entendre quelques chiens aboyer de façon bruyante.

"Laura, que diable as-tu fait ? ! Où se trouve mon enfant ? !"

Laura se retourna pour se retrouver face à Eliana en entendant la voix de cette dernière - un air cruel et agressif se dessina sur ses lèvres à la vue de sa cousine.

"Ah, ma chère cousine - quel terrible destin que le tien ! N'étais-tu pas informée que ton bébé est mort-né ? Aidan était parfaitement blême - il a affirmé que le bébé mort-né portait malheur et donna l'ordre qu'on le donne à manger aux chiens."

Les yeux d'Eliana s'agrandirent d'horreur à cette révélation - elle courut aussitôt vers les chiens, cependant elle vit du sang couler du museau des chiens.

Eliana eut l'impression que son monde entier venait de s'effondrer - elle hurla et gémit d'agonie, incapable d'en croire ses yeux : "Non, c'est impossible ! Non...NOOOOOOOOOOO !!!"