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01

Deux personnages. Deux voix.

- Comme d'habitude s'il vous plait. Je m'installai à ma table habituelle au Renouveau, un petit bar

-café pas vraiment populaire de la Rue Principale, tout près de mon lycée. Le barman déposa un cappuccino devant moi et je sortis un livre. Je mange très rarement les midis. Je préfère rester ici à lire, seule dans cet endroit calme, jusqu'à l'heure de retourner en cours. Je prend le bus pour venir jusqu'au lycée, et comme le trajet dure plusieurs minutes, je préfère rester près du lycée que rentrer chez moi.

Ma mère travaille et ne peut donc pas passer me chercher. J'ai donc pris ces habitudes depuis deux ans, depuis que je suis entrée au lycée. J'ai dix-sept ans et je viens d'entrer en terminale. J'aime la solitude, c'est pour cela que je viens toujours seule ici, sans mes amis. En fait, je n'ai pas vraiment d'amis, ni dans mon lycée, ni en dehors. Selon moi, je n'ai jamais eu besoin de quelqu'un pour m'aider à avancer, ou pour m'aider tout simplement. Ça a toujours été mon choix, de m'éloigner de tout le monde.

J'ai un passé plutôt lourd et j'ai appris à avancer seule depuis quelques temps. Je sais que si je m'attache de trop à une personne, elle va vouloir se rapprocher de moi et en savoir plus sur ma vie. Les seules personnes qui savent, sont les membres de ma famille. Mais ils ne savent que l'histoire, pas mes sentiments. Mes sentiments sont quelque chose de très secret, et que je n'en ai jamais fais part à personne.

Je me suis dirigée vers le barman pour commander un autre cappuccino et j'ai sentis un regard posé sur moi. Le même gars que d'habitude était assis au bar avec un café et me regardait. Je le vois souvent ici. Quelques fois il est seul, d'autres fois, non.

Aujourd'hui, personne ne lui tenait compagnie. J'ai souvent remarqué qu'il me regardait. Longuement. Il était vraiment très beau et devait avoir une vingtaine d'années. Même de loin, je pouvais voir ses magnifiques yeux très clairs me fixer avec une intensité remarquable.

Je n'avais pas la moindre idée de pourquoi j'avais l'air de l'intéresser. Je n'avais rien qui pourrait intéresser qui que ce soit. J'étais une fille à l'apparence plutôt banale et simple. Je ne mettais pas de vêtements extravagants, seulement de simples jeans et des tee-shirts sans marques, et je ne me maquillais pas. J'étais plutôt mince, assez grande et j'avais de longs cheveux bruns. Tout était fait pour que personne ne me remarque et pour que je puisse passer inaperçue. Mais visiblement, ça n'avait pas l'air de marcher avec lui depuis plusieurs jours. Depuis la rentrée il y a deux semaines plus précisément. Peut-être me trouvait-il tout simplement bizarre, cette éventualité étant sûrement la plus probable. J'avais repris mon occupation quand je sentis une présence près de moi.

- Je peux m'asseoir ? Ses yeux étaient donc bleus. D'un bleu si clair et si profond que cela me perturbait beaucoup. Son regard si vif, et si mystérieux m'a d'ailleurs immobilisée durant un instant. Un instant très court qu'il a sans doute remarqué puisqu'un sourire amusé et sublime s'est dessiné sur son visage. Comme je ne répondais pas, il a tiré la chaise et s'est installé, sans mon autorisation.

- Comment tu t'appelles ? Je me suis contentée de reprendre ma lecture en éludant volontairement sa question.

- Je ne vais pas te manger, tu sais ? Je levai de nouveau les yeux de mon livre et le regardai en essayant de comprendre ce qu'il voulait et pourquoi il me parlait. Il me souriait seulement, en remuant son café, et attendait probablement ma réponse. Je fais exprès de m'installer à cette table, la plus reculée et la plus isolée de l'entrée, pour ne pas avoir affaire avec ce genre de situation. Jusqu'à maintenant, tout avait fonctionné comme je le voulais.

- Tu ne veux pas me répondre ?

- Belle déduction... marmonnai-je, plus pour moi-même que pour lui répondre. Je me maudissais déjà de lui avoir répondu.

- Donc finalement tu parles, rit-il.

- On dirait. Tu veux quelque chose ? lui demandai-je assez froidement.

- Savoir comment tu t'appelles. Entre autres, me sourit-il. Entre autres ? Je ne pense pas qu'il m'observe depuis plusieurs jours seulement pour savoir mon nom. Et j'avais comme l'impression qu'il n'allait pas me lâcher tant que je ne lui répondrais pas. - Jessica.

- Moi c'est Flo. Enchanté. Il s'était présenté sans que je ne lui ai demandé et je n'en avais pas eu l'intention d'ailleurs. Je bus une gorgée de ma boisson en lui jetant un rapide coup d'œil pour ne pas qu'il pense que je lui prête trop d'attention. Un large sourire s'affichait sur son visage fin et vraiment très joli. Ses cheveux bruns très foncés partaient dans tout les sens et une barbe de deux ou trois jours parsemait le bas de ses joues et son menton. Finalement, mon coup d'œil n'était pas si rapide que ça... Et je crois qu'il l'a remarqué. Il me déstabilise et je n'aime pas ça. Je n'ai pas l'habitude d'être perturbée pour si peu, mais il était vraiment très intriguant et son regard m'attire. Il faut que je fasse attention à ne pas trop baisser ma garde.

- Autre chose ? lui demandai-je calmement.

- Ça te dirait de faire connaissance ?

- Non merci.

- Plutôt directe comme réponse ! s'exclama-t-il en riant. Comme je ne répondais pas, il ajouta :

- J'ai remarqué que tu étais toujours à la même table tout les midis. Il ne lâchera donc pas l'affaire... Bon, pourquoi je ne discuterais pas un peu pour une fois.

- Et tu as remarqué autre chose ?

- Hormis que tu lis toujours un livre en buvant un cappuccino, tout les jours, sauf le jeudi, non rien d'autre, me répondit-il d'un ton naturel.

- Et tu m'observes comme ça depuis quand ? lui demandai-je calmement même si au fond de moi j'étais étonné par ce qu'il venait de dire.

- Je pense que tu le sais déjà non ? me sourit-il avec arrogance. Et je ne t'observe pas, je te regarde.

- Ça change tout alors ! dis-je ironiquement. Ma remarque le fit rire de nouveau, et son sourire est resté pendu à ses lèvres.

- Tu ne viens pas ici depuis très longtemps, non ? Je ne te vois que depuis le début du mois et ça fait longtemps que je viens là. Je me levai, rangeai mon livre dans mon sac, et commençai à partir sans répondre à sa question.

- Tu t'en vas ?

- Oui.

- À demain alors ! dit-il en souriant.

- Non.

- Pourquoi ?

- On est jeudi demain.

- Ah ouais, merde... l'entendis-je grogner alors que je passais à côté de lui. Je sortis du café, mon sac sur le dos et refermai ma veste.

- Jessica, attends ! Il ne va pas me lâcher... Je continuai de marcher en direction du lycée sans m'arrêter.

- Quoi ?

- On se reverra ? me demanda-t-il en arrivant à ma hauteur.

- C'est probable.

- C'est vrai ? Il semblait étonné de ma réponse, il s'attendait sûrement à un refus de ma part.

- Tu bois ton café au même endroit que moi, alors on risque de se croiser à nouveau, oui. Tu n'as rien d'autre à faire en ce moment ? le questionnai-je marchant, lui toujours à mes côtés.

- Si, certainement. Il m'attrapa par le bras avec douceur, et toujours en souriant, pour que je m'arrête.

- Tu reviendras vendredi ? Je me dégageai pour continuer ma route.

- Tu vas me suivre encore longtemps ? Parce que tu seras forcé de t'arrêter au bout d'un moment.

- Si tu me dis qu'on se reverra vendredi, alors je fais demi-tour, me sourit-il.

- Je pourrais très bien te dire oui sans le penser...

- Tu n'as pas l'air d'être une menteuse.

- Tu ne me connais pas ! lâchai-je froidement.

- J'aimerais bien justement. A vendredi alors ? Il s'était arrêté devant moi pour me regarder et m'empêcher d'avancer.

- Oui, soufflai-je. Je le contournai et j'entendis un " merci " quand je passai à ses côtés. Mais dans quoi je m'embarque ? .

Cette fille m'intrigue. Ça fait plusieurs fois que je la vois au café avec les gars, mais eux, ils ne l'ont pas remarquée. En même temps, je crois qu'elle fait tout pour ne pas être remarquée : elle ne parle pas, ne fait pas de bruit et est toujours seule, à la même place. Elle entre, boit son ou ses cappuccino en lisant, et repart sans demander son reste.

Chaque jour, elle avait toujours le même air triste et mélancolique sur son doux visage. Quand elle me regardait, je ne décelais rien dans ses yeux bleus. Pas une pointe de joie, ni de tristesse, ni même de colère quand je lui parlais. Je ne savais donc pas si ma présence l'avait vraiment dérangée ou pas, même si ses répliques cinglantes me répondaient d'elles-mêmes… Pourtant, j'avais vu les quelques regards rapide qu'elle me jetait de temps en temps. Elle pensait surement que je n'avais pas remar'ué mais elle se trompait. Quand je croisais ses beaux yeux, elle détournait instantanément le regard, comme si elle avait peur d'être surprise, comme si elle faisait quelque chose de mal, alors que je n'avais qu'une seule envie : c'était de me plonger un peu plus longtemps dans ses yeux fascinants .

Pourquoi elle ? Je ne sais pas. Mais je suis allé lui parler, après une longue réflexion avec moi-même. J'en avais envie depuis plusieurs jours, mais à chaque fois, soit elle n'était pas là, soit les gars étaient avec moi, soit j'avais hésité trop longtemps et elle avait quitté le café. Ce n'était pas dans mes habitudes d'hésiter aussi longtemps pour aborder une fille. Et puis, normalement, c'est elles qui viennent vers moi, on parle, je les emmène chez moi, et elles repartent le lendemain. J'ai vingt et un ans, et j'aime bien m'amuser, ce qui est tout à fait normal, non ?

Mais elle, elle était différente : simple, timide et pas du tout égocentrique, ni narcissique, ni prétentieuse, et encore moins allumeuse. Enfin, j'en avais l'impression, d'après ce qu'elle m'en avait laisser voir. Je n'avais pas eu le temps de beaucoup lui parler. Elle était plutôt réservée et assez pressée de partir je ne sais où. Je l'aurais bien suivie pour voir où elle allait mais ça aurait fait un peu pervers et psychopathe à la fois. Et puis en plus, je n'avais pas le temps. Je devais retourner travailler.

J'y suis retourné après avoir fini mon café. Comme j'étais un gros fainéant au lycée et que je n'avais pas eu mon bac, mon oncle m'avait pistonné pour que je bosse avec lui. Je n'en avais pas très envie au début mais finalement, j'avais bien fais. J'aimais beaucoup ce que je faisais.

- Et bien alors mec ! T'es en retard, qu'est-ce que tu foutais ?

- Désolé, je n'avais pas vu l'heure, j'étais au café, répondis-je à Thibault, un de mes collègues, et aussi mon meilleur ami.

Même à lui, à qui je dis tout habituellement à propos des filles qui me plaisent, je n'ai pas mentionné cette jolie jeune femme qui m'intriguait. Je ne l'ai pas fais parce que je savais qu'il allait m'envoyer vers elle, qu'elle aurait surement eut peur et elle se serait sans aucun doute sauvée en courant. En plus, il se serait probablement foutu de ma gueule parce que je n'osais pas.

- Je vois ça ! Bref, Mélanie fait une soirée ce week-end, tu passes me chercher ?

Thibault n'a plus de voiture donc je suis donc son chauffeur personnel depuis deux semaines. Ça serait bien qu'il pense à la faire réparer à un moment !

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